Il avait été beau. II avait été important, le clou: le clou du charpentier.
Mais, drame de son histoire, notre clou était courbé, il était même plié en deux et restait sans emploi. Il broyait du noir sur l'établi et se creusait la cervelle. A quoi bon vivre ! Il avait manqué son but. Mieux vaut être dans le coin le plus reculé du toit que parmi la ferraille.
- Toi le marteau ne peux-tu rien faire pour moi?- Mille excuses, c'est mon jour de repos, adresse-toi à la pince.
La pince ne se fit pas prier. Elle était très satisfaite de montrer sa force et ses talents. Un tour, deux tours, le clou serrait les dents, c'était pour son bien ! Quelle chance il allait servir à nouveau. A la fin de l'opération il se regarda dans la glace. Horreur! Il était encore plus tordu qu'avant!
Sur l'établi l'atmosphère devint intenable et la pince dut s'exiler à l'autre bout, hors de portée du clou: bien que celui-ci fut tordu, il avait encore une pointe.
Le clou alla prendre un bain de couleur au moins pour couvrir ses écorchures, mais rien ne changea dans sa vie. II avait manqué son but et il sombra dans la dépression.
Il devint même jaloux des autres clous.
Le clou de l'aventure arriva par une matinée pluvieuse qui ne présageait rien de bon. Une main forte le saisit. Le clou trembla de peur et crut sa fin proche. Le charpentier l'avait saisi d'une main sûre. Déjà le clou reprenait confiance. Même l'espérance lui revint lorsque le marteau entra en action. L'opération fut très rapide.
L'artisan le chauffa à blanc et, de quelques coups bien appliqués. le redressa. Le jour même, le clou prenait place dans la charpente.
Envoi : le divin Charpentier a besoin de clous pour construire son Eglise.
Signature: parmi d'autres, un clou redressé.
Henri B.
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